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Freelance, 4 ans aprĂšs : pourquoi j'ai adorĂ©, pourquoi j'arrĂȘte

2022-12-19 ☕ 20 min read

DĂ©but 2019, je dĂ©cidais de quitter mon premier CDI en tant que dĂ©veloppeuse. Je n’étais pas Ă©ligible au chĂŽmage, et j’avais, au final, assez peu d’argent de cĂŽtĂ© (de quoi tenir 2-3 mois). Mais cela faisait un petit moment dĂ©jĂ  que je n’arrivais pas Ă  trouver ma place, la motivation et l’inspiration pour continuer dans l’entreprise oĂč j’étais. J’ai alors pris mon courage Ă  deux mains pour dĂ©missionner afin de me lancer dans la grande aventure du freelance.

Bien que ce format ne convienne pas Ă  tout le monde, je considĂšre aujourd’hui, presque 4 ans plus tard, qu’il s’agissait du meilleur choix pour moi, Ă  ce moment donnĂ© de ma carriĂšre. De nombreuses personnes m’ont aidĂ© Ă  me lancer, puis Ă  persĂ©vĂ©rer, et j’ai eu Ă©normĂ©ment de chance dans les rencontres que j’ai faites.

Voici venu le moment de partager mon expérience, pour motiver les personnes que cela pourrait tenter, et donner des conseils qui se sont avérés trÚs utiles pour moi.

Me mettre en mouvement et décrocher mon premier contrat

À partir du moment oĂč j’ai dĂ©cidĂ© de partir, les choses se sont faites assez naturellement. J’aime penser que c’est le fait de me mettre dans le mouvement qui m’a permis de me lancer. Pour cela, alors que j’étais dĂ©jĂ  dĂ©cidĂ©e Ă  partir, j’ai commencĂ© Ă  organiser de nombreux dĂ©jeuners, dĂźners et verres avec des personnes que je trouvais inspirantes (tous domaines confondus). Je leur parlais du goĂ»t du risque, je confrontais les retours qu’ils pouvaient avoir face Ă  mon ressenti, mon envie tenter de nouvelles expĂ©riences. Je notais tout en rentrant chez moi. C’était une vĂ©ritable source d’inspiration pour moi.

J’ai fait ça durant un mois. J’étais alors dĂ©terminĂ©e Ă  me lancer : je savais pourquoi je partais.

Puis, premier jour sans travail. Je continuais sur la mĂȘme dynamique. Afin de garder la mĂȘme impulsion, j’ai commencĂ© Ă  Ă©crire une newsletter hebdomadaire avec mes avancĂ©es de la semaine prĂ©cĂ©dente et les objectifs de la semaine Ă  venir. Elle Ă©tait destinĂ©e Ă  mes proches, et me donnait l'habitude de noter mes objectifs Ă  court, moyen et long terme. En rĂ©alitĂ©, j’apprenais Ă  m’auto motiver, compĂ©tence essentielle en freelance.

Puis, j’ai commencĂ© Ă  me lancer dans des projets qui me plaisaient, notamment la crĂ©ation de mon portfolio, sur lequel je pouvais Ă©crire des articles. Cela m’a permis d’avoir du contenu Ă  partager sur les rĂ©seaux sociaux : tout le monde autour de moi savait que je m’étais installĂ©e Ă  mon compte. J’ai Ă©galement bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien et du mentorat d’anciens collĂšgues et amis qui me conseillaient dans mes choix techniques.

Au bout de quelques semaines, un ami qui venait de lever des fonds en seed pour son entreprise m’a proposĂ© de venir travailler avec lui dans le coworking oĂč il avait une place libre. Eux-mĂȘmes avaient des besoins en frontend, et plus rapidement que prĂ©vu, alors mĂȘme que je venais tout juste de terminer mon portfolio, il me proposait de rĂ©aliser leur interface : je dĂ©crochais alors ma premiĂšre mission 🎉.

GĂ©rer l’administratif

Comme je le disais plus tĂŽt, je n’avais pas le droit au chĂŽmage, le choix de statut juridique paraissait donc assez Ă©vident : le plus simple Ă©tait de m’installer en auto-entreprise. J’avais dĂ©jĂ  un compte bancaire Ă  part qui ne servait Ă  rien (sans aucun moyen de paiement associĂ©), mais c’était tout ce dont j’avais besoin. Je faisais donc la dĂ©claration par moi-mĂȘme, en googlant Ă  chaque question pour m’assurer que je ne faisais pas d’erreur.

Ce statut m’a d’ailleurs suffi les quasi 4 ans qu’ont durĂ© mon activitĂ© de freelance, et il Ă©tait assez simple Ă  gĂ©rer :

  • je rĂ©alisais de simples devis / factures sur un logiciel classique
  • je tenais mon carnet comptable sur un Google Spreadsheet
  • et j’avais mon compte bancaire dĂ©diĂ© depuis lequel je me faisais des virements sur mon compte personnel
  • je dĂ©clarais mon chiffre d’affaire trimestriel afin de payer mes charges

Le plus compliquĂ© a Ă©tĂ© lorsque j’ai dĂ©passĂ© le seuil d’exonĂ©ration en TVA au-delĂ  duquel j’ai dĂ» la facturer et la reverser. J’étais complĂštement perdue. Mais encore une fois, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai tout simplement dĂ©cidĂ© de me rendre dans mon centre d’impĂŽts (qui se trouvait Ă  10 minutes Ă  pied de chez moi). Je leur ai dit que je ne comprenais pas comment faire, quel formulaire remplir. Ils ont pris le temps de m’expliquer et m’ont aidĂ© Ă  renseigner toutes mes informations.

Ils ont mĂȘme anticipĂ© mes futurs besoins en m’aidant Ă  faire ma dĂ©claration pour la CFE. Il s’agit d’ailleurs de mon principal conseil par rapport Ă  l’administratif : dans le doute, n’hĂ©sitez pas Ă  contacter l’administration. J’ai l’impression que la plupart des agents sont d’une aide prĂ©cieuse lorsqu’un·e entrepreneur·e se prĂ©sente en Ă©tant respectueux, dans les dĂ©lais, avec l’envie de bien faire.

Trouver mon rythme de croisiĂšre

Durant toute mon expĂ©rience en freelance, j’ai eu l’occasion de tester de nombreux formats. Lorsque j’étais encore dans mon expĂ©rience prĂ©cĂ©dente, j’en avais profitĂ© pour m’auto-former en design. J’ai mĂȘme pu mettre Ă  profit ces compĂ©tences nouvellement acquises. Dans certaines missions, j’étais uniquement dĂ©veloppeuse frontend, dans d’autres je devais faire un peu de design, parfois, j’étais plus que fullstack (design, frontend, backend, infra). J’ai tentĂ©, comparĂ© et constatĂ© de ce que je prĂ©fĂ©rais, et ce qui ne me convenait pas. Alors mĂȘme que j’étais junior, j’ai fait l’erreur de m’engager sur des devis chiffrĂ©s avec une liste de fonctionnalitĂ©s Ă  livrer au client. Y compris des fonctionnalitĂ©s que je n’avais encore jamais codĂ©es. Aujourd’hui, s’il y a bien une chose que je dĂ©conseille, c’est de chiffrer des estimations, encore plus lorsqu'on a peu d'expĂ©rience.

J’ai Ă©galement testĂ© plusieurs types d’entreprise : celle qui vient tout juste d’ĂȘtre financĂ©e en seed, celles d’une cinquantaine de personnes, d’autres plus petites mais tout aussi ambitieuses. Les diffĂ©rences de contextes m’ont beaucoup plu, et permis d’apprendre Ă©normĂ©ment, que ce soit techniquement, ou encore en termes de process en entreprise.

Le freelance a Ă©galement Ă©tĂ© l’occasion pour moi de tenter des types d’activitĂ©s trĂšs diffĂ©rentes de ce que je faisais : l’enseignement, le consulting, etc.

Au bout de quelques mois de freelance, j’ai reçu une proposition d’adapter des cours en français pour OpenClassrooms. MĂȘme si j’étais encore junior, adapter du contenu dĂ©jĂ  existant en anglais restait rĂ©alisable pour moi. VoilĂ  comment j’ai mis le pied dans l’enseignement du code, ce qui, de fil en aiguille, m’a permis d’avoir mon propre cours de code Ă  Sciences Po. Mais cela fera l’objet d’un autre article 😇.

Surmonter mes plus grosses difficultés

À m’écouter, on dirait que tout s’est enchaĂźnĂ© sans aucune difficultĂ©. Et pourtant, si je vous disais que j’ai failli tout laisser tomber au bout d’un an ? Je m’étais retrouvĂ©e dans une situation tellement dĂ©sagrĂ©able, dans un tel Ă©tat de stress que j’avais fini par croire que je n’étais pas faite pour le mĂ©tier de dĂ©veloppeuse et qu’il fallait que j’abandonne.

J’ai notamment un projet Ă  l’esprit oĂč tout est parti de travers. Si j’avais la mĂȘme proposition aujourd’hui, je ne ferais pas les mĂȘmes erreurs, mais Ă  l’époque, je manquais justement d’expĂ©rience. Il n’y avait pas d’équipe technique. Ils avaient pourtant besoin d’une plateforme entiĂšre, avec des fonctionnalitĂ©s assez complexes. Tout Ă©tait Ă  crĂ©er seule : le design, le frontend, le backend, la mise en production, etc. Le projet a Ă©tĂ© fait en deux temps : la partie la plus simple, pour laquelle j’ai rĂ©ussi Ă  (presque) tenir mes estimations, sans trop dĂ©border, en sortant un produit satisfaisant. Puis, je me suis engagĂ©e quelques mois plus tard sur la deuxiĂšme partie plus complexe de l’application, et lĂ , ça a totalement dĂ©rapĂ©. Le client a exigĂ© beaucoup de fonctionnalitĂ©s, je n’osais pas dire non, je n’ai pas comptĂ© mes jours, je me suis retrouvĂ©e Ă  dĂ©passer totalement. J’étais dans une situation extrĂȘmement frustrante oĂč je perdais des jours, sans ĂȘtre payĂ©e plus, alors que je n’en voyais pas le bout techniquement, j’étais seule dans mon coin. Le client quant Ă  lui ne comprenait pas ce qui prenait autant de temps, et continuait Ă  m’ajouter de nouvelles spĂ©cifications, Ă  changer d’avis. Comme j’étais mal Ă  l’aise, je n’osais pas dire non.

Plus je donnais, plus il prenait. Je me souviens d’un dimanche soir oĂč il m’avait Ă©crit Ă  23h pour me signaler que l’affichage d’un composant Ă©tait cassĂ© (en s’exclamant que c’était vraiment grave et urgent). Le cauchemar đŸ˜±. D’autant plus que le premier confinement est arrivĂ© en plein milieu : la communication Ă©tait encore plus compliquĂ©e. La situation a continuĂ© de se dĂ©grader. AprĂšs beaucoup de stress, de frustration de mon cĂŽtĂ© et du cĂŽtĂ© de mon client, nous avons fini par trouver un terrain d’entente. Je me suis jurĂ©e que je ne travaillerais plus jamais Ă  nouveau dans ces conditions.

Mes rĂšgles du freelance

AprĂšs cette expĂ©rience difficile, j'ai notĂ© chacun des critĂšres qui me permettraient d'Ă©viter au maximum de me retrouver dans une situation similaire. Alors voilĂ  mes 10 principales leçons sur le freelances 👇

  • Savoir dire non, le plus tĂŽt possible, dĂšs que la situation l’exige ou que l’on ne se sent pas Ă  l’aise
  • Ne jamais laisser une situation s’enliser : dĂšs qu’il y a une frustration d’un cĂŽtĂ© ou de l’autre, il faut crever l’abcĂšs
  • Fixer ses limites : ce n’est pas parce qu’on est freelance qu’il faut impĂ©rativement travailler le weekend ou passĂ© 19h. Cela peut arriver, mais c’est VOTRE choix, et le client n’a pas le droit de l’exiger
  • Éviter de travailler sur des contrats facturĂ©s au nombre de jours estimĂ©s (sauf trĂšs rare exception)
  • Ne pas se sous-vendre : lorsqu’on travaille en freelance, on peut facilement se dire qu’on peut vivre avec peu. AprĂšs tout, quand on est junior, 400 euros par jour, ça paraĂźt Ă©norme : 8000 euros par mois ! Pourtant, vous ne mettrez jamais 8000 par mois dans votre poche. Pas besoin de vous refaire le chiffrage, mais vous aurez besoin de payer des charges, votre mutuelle, vos assurances, vos congĂ©s, vos Ă©ventuels arrĂȘts maladie. Alors, mĂȘme si je sais que c’est souvent dur de fixer un TJM, ne sous-estimez jamais tous ces frais.

Ce que j’ai prĂ©fĂ©rĂ©

Pourtant, comme je le disais en introduction, je reste persuadĂ©e que j’ai fait le meilleur choix de carriĂšre possible Ă  ce moment donnĂ©. Alors comment j’en suis arrivĂ©e lĂ  ?

Tout d’abord, la situation trĂšs compliquĂ©e que je dĂ©cris plus tĂŽt est arrivĂ©e au bout de moins d'un an de freelance. Mais aprĂšs, durant plus de 2 ans, je n’ai jamais revĂ©cu de vĂ©ritable situation dĂ©sagrĂ©able : mes clients ont toujours payĂ© Ă  l’heure, ont toujours Ă©tĂ© Ă  l’écoute, respectaient mes limites, je n’ai jamais eu plus de 2 semaines de battement non souhaitĂ© entre deux missions. J’ai pu collaborer avec des personnes vraiment stimulantes. La situation idĂ©ale.

Cela m’a permis de progresser en autonomie, mais aussi et surtout d’un point de vue technique.

Je considÚre que le fait de devoir démarrer de nouveaux projets, souvent seule, permet de se poser des questions : pourquoi utiliser telle technologie, quel process et quelle communication mettre en place ?

D’autant plus que j’ai Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  travailler sur des projets techniques assez diversifiĂ©s : crĂ©ation d’une librairie de composants pour un Design System, travail sur une interface de livraison, frontend pour un site d’enchĂšres, etc.

L’enseignement a Ă©galement Ă©tĂ© l’occasion pour moi de me replonger dans la thĂ©orie, de revoir les bases, et ainsi de solidifier mes acquis (comme j’ai pu le constater Ă  42, c’est seulement lorsqu’on est capable d’expliquer un concept Ă  une autre personne qu’on l’a vĂ©ritablement compris).

Quelques chiffres

Entre 2019 et 2022:

  • 11 + 13 + 15 + 15 = 54 factures
  • 2 devis non convertis (ou partiellement)
  • 4 + 3 + 3 + 1 nouveau client chaque annĂ©e,
  • soit 11 clients en tout
  • dont 4 en enseignement, et 7 en code

Passer Ă  l’étape suivante

Encore une fois, je suis extrĂȘmement reconnaissante de l’expĂ©rience que j’ai acquise sur ces presque 4 ans, surtout auprĂšs des personnes qui m’ont fait confiance, et de celles qui m’ont accompagnĂ©es. Pourtant, quelques frustrations par rapport Ă  ma situation de freelance demeuraient :

  • Le freelance reste avant tout une aventure solitaire. MĂȘme lorsque je me sens prĂȘte Ă  vĂ©ritablement m’engager dans une Ă©quipe, Ă  partager mon enthousiasme et Ă  rencontrer de nouvelles personnes que je trouve inspirantes, il existe toujours une sorte de distance infranchissable en freelance.

  • Si le freelance permet de progresser rapidement techniquement, je me suis sentie confrontĂ©e Ă  un plafond technique durant ma derniĂšre annĂ©e : on ne manage pas d’équipe, les projets sont souvent plus petits, moins structurĂ©s, moins testĂ©s.

  • La sĂ©paration entre vie personnelle et vie professionnelle est assez dure Ă  maintenir. Je trouve cela tellement dur d’anticiper des congĂ©s, de devoir prĂ©venir tous ses clients, et de s’autoriser de prendre du temps libre. Cela a un prix.

Pour toutes ces raisons, j'ai senti que ma route me conduisait ailleurs. VoilĂ  pourquoi, l'Ă©tĂ© dernier, j’ai dĂ©cidĂ© d’accepter un CDI dans la super entreprise MeiliSearch, afin d’ĂȘtre dĂ©veloppeuse au sein de leur Ă©quipe Cloud. Je pourrai malgrĂ© tout continuer d’enseigner le code, notamment Ă  Sciences Po. MĂȘme si ces quasi 4 ans de freelance ont Ă©tĂ© une superbe aventure, je suis extrĂȘmement heureuse de faire partie de Meili. 🎉

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